Ce n'est qu'à l'avant veille du départ que je sus que nous partions en direction de Carpentras, le temps en Ariège où m'attendaient les cols d'Agnes et de Port étant vraiment trop incertain.
Le choix était judicieux car la canicule sévit durant plus d'une semaine au pays du Comtat Vénaissin (Carpentras, Mt-Ventoux)
Comme il a de l'allure ce mont-chauve quand on en approche en venant de Valence par l'autoroute A7 ! Il mérite bien le sobriquet de "Géant de Provence"
Ne vous y fiez pas, ce n'est pas de la neige éternelle qui orne son sommet mais cette caillasse sur laquelle Tom Simpson se vautra avant de rendre l'âme en juillet 67 dans l'hélico qui l'emportait vers Carpentras.
En guise de hors-d'oeuvre, et afin d'améliorer ma modeste condition physique, je décidai de commencer par une sortie de 60 kms en faisant carpentras-vaison la romaine aller-retour. Chemin faisant, je faisais le tour des dentelles de Montmirail (rien à voir avec le film les Visiteurs)
Pour ce faire, je me payais un petit col d'une 10aine de kms jusqu'à Malaucène que j'envisageais de gravir de nouveau lors de ma 2ème ascension du Ventoux.
Vendredi 21 août. Je me réveille avec une petite forme, plus décidé à m'entraîner de nouveau qu'à survoler les sommets de la Provence. J'enfourche à 8h45 pour une sortie de reconnaissance en direction du grand sommet provençal. 16 kms m'attendent en guise de hors-d'oeuvre avant d'arriver à Bédoin situé à 21,5 kms du sommet.
A Bédoin, compteur à zéro, on verra bien. Il est 9h30, je suis à 21,5 kms du sommet.
Les 3 ou 4 kms après Bédoin se passent si bien que je doute presque de la réputation de ce vulgaire tas de cailloux.
Mal m'en prit, au lieux-dit St-Estève, la route s'élève soudain jusqu'à atteindre 10%.
Ca ne devrait pas durer me dis-je, même si je savais que le début de l'ascension était le plus dur. Je traverse à ce moment la forêt domaniale de Sault. J'emprunte également le côté le plus prestigieux, celui le plus emprunté par le Tour de France.
Ce qui m'aura le plus surpris, c'est les braquets. Avec mon 30x25, je pensais passer ça facile sur par exemple 30x19. Ben j'aurais eu un 30x27, je crois bien que je m'en serais servi car par moment j'étais en danseuse avec 30x25
Bientôt (j'exagère... longtemps plus tard) j'atteinds le kilomètre 10, et la pente n'a pas bougé des 10% Ce qui veut dire qu'en 10 kms, j'ai grimpé de 1000 m. D'après la revue que je me suis procurée, c'est dur jusqu'à Chalet-Reynard qui d'après mes calculs se situe au 14ème km. Mon compteur en affiche pourtant dèjà 14 et la route ne cesse de s'élever. Je tempeste, j'ai envie d'abandonner. Ca n'en finira donc jamais ! Puis soudain, alors que je suis toujours dans la forêt de Sault, on passe à 7% Un rien, quoi, et je vois apparaître le fameux Chalet que j'imaginais être un village, mais que nenni, juste un débit de boisson.
https://th.bing.com/th/id/OIP.OaC0rfwIFLw1ULv2bt29vQHaFj?pid=ImgDet&rs=1La pente se fait ici beaucoup plus douce et un dilemme s'empare de moi : je comptais venir en visiteur et monter tout au plus jusqu'au chalet, quitte à faire demi-tour. Seulement, je ne me suis pas payé une telle pente pour faire mon curieux, et c'est à ce moment que je vois un panneau indiquant le sommet à 6 kms. De plus, ce n'est plus qu'un faux plat et je crois que ça aura été déterminant pour me faire continuer sans même m'arrêter.
En outre, j'ai des supporters, car des inconnus me prennent en photo.
Même plus une mauvaise herbe, ici. Des cailloux, et des gros en plus !
Après Chalet-Reynard, sur un kilomètre c'est relativement facile, et je commence à me dire que j'irai au bout. Las, plus on approche du sommet, plus ça se remet à grimper jusqu'à atteindre les 11% j'étais encore assez lucide pour lire les pourcentages sur les bornes kilométriques destinées autant aux vélos qu'aux voitures auxquelles je rends honneur au respect qu'elles ont pour les cyclistes en ce temple du vélo.
Je vois soudain sur ma droite un monument, sorte de stèle érigée en la mémoire de celui qui devait être un grand champion malgré une réputation des plus sulfureuse à cause d'UNE des raisons de son décès. Je ne peux que jeter un regard ému et me contente de me signer, je m'arrêterai peut-être en descendant . La stèle est ornée d'une quantité impressionnante de bidons de cyclistes et de fleurs.
http://www.storiedisport.it/wp-content/uploads/2014/10/stele-in-memoria-di-simpson.jpgJe suis encore effectivement à 2 kms du sommet et la pente est des plus sévères.
1 kms plus loin, soudain, au moment où je m'y attendais le moins, mon estomac se met à crier famine. 11h45 précises. Flute, je ne suis plus qu'à 500 m du sommet, mais si je ne m'arrête pas de suite, je cours droit vers l'hypoglicémie.
Je m'arrête donc, titubant (j'insiste sur le mot) au col des tempêtes, a 500 m environ du sommet. Je me rassasie, je m'allège un peu, presque en public (ben oui, dans ces moment là on laisse un peu la pudeur de côté) Et 5 mns plus tard, je reclique les cales pieds avant de m'envoler vers la victoire... Euh, le défi... Euh, non, la victoire.
Vous voulez la preuve par 1909 ?
Durée : 2h27
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Lundi 24 août soit presque un mois jour pour jours après le passage ici du Tour de France. Je me suis aménagé deux jours de repos total après mon ascension que je n'imaginais pas aussi éprouvante, je l'avoue.
Pour la petite histoire, sachez que Contador et Cie ont monté à 21 km/h, moi à peine à 9 km/h
8h15 donc ce jour-là je prends le vélocipède 30 mns plus tôt que le vendredi précédent, plus déterminé que jamais et me sentant comme... plus léger. Je quitte Carpentras par une route que je commence à connaître et qui doit me mener à Malaucène, 20 kms plus loin. J'emprunte à nouveau le petit col sans nom connu d'une 10aine de kms serpentant entre les vignes gorgées de raisins rouges et inondées de soleil. Je ne vous ai pas parlé de T° mais sachez qu'à ces heures là il y fait déjà dans les 25°, ce qui veut dire qu'au sommet il ne fait que 14°
photo réellement prise depuis la route Carpentras-Malaucène
Durant cette petite escalade, j'aperçois à nouveau le village du barroux et son château.
9h15, j'arrive à Malaucène où je mets de nouveau mon compteur à zéro. 21 kms d'ascension m'attendent.
De bédoin ou Malaucène, la distance est sensiblement la même, tout comme la dénivelée, à 30 m près. Ce qui veut dire que l'épreuve est tout aussi difficile, du moins sur le papier. J'attaque donc l'ascension plutôt prudemment, mais je ressens comme une nouvelle vigueur, plus d'entrain.
Contrairement à l'autre côté, le bas de l'ascension est peuplé de resto, hâbitations, campings. Par contre, ici on est directement dans le vif du sujet, il vaut mieux être chaud.
Je suis assez rapidement rejoint par un autre cyclo, plus jeune que moi, qui va un chouia plus vite que moi. J'essaie un moment de le suivre mais n'insiste pas. A entendre son souffle, je me dis "toi, je vais te revoir"
L'ascension de ce côté est totalement différente de l'autre : il y a certes des passages à plus de 10%, mais jamais très longs. La pente se radoucit régulièrement pour tomber à 4 ou 5 % Du côté du Mt-Serein, c'est même presque plat. Je me rends très vite compte que je souffre bien moins que le 1er jour. j'arrive même à passer le 23, voire le 21 et à effectuer quelques accélérations.
A peu près à mi-pente, j'aperçois un petit jeunot vautré sous un arbre à côté de son vélo. Il m'encourage et je reconnais immédiatement celui que je n'arrivais pas à suivre une heure auparavant
. Une femme inconnue me prend en photo avant de me tendre un billet, sans aucun doute une admiratrice en quête d'un rendez-vous
J'arrive dans les derniers kilomètres relativement frais mais pas absolument certain pour autant d'aller au bout, calmé par mon ascension du vendredi. C'est à ce moment que je commence à voir ma petite femme, armée d'un appareil, me courant après à chaque cliché qu'elle prend
A tel point que j'étais obligé de ralentir ce qui me permit de finir cette ascension en boulet de canon au point d'en doubler 3 ou 4 dans les 200 derniers mêtres.
Arrivé en haut, je voyais arriver ceux venant de Bédoin et je fus surpris d'en voir lever les bras ou se frapper la poitrine. Moi, j'étais juste content d'en avoir terminé
Durée : 2h14
Voilà, le petit reportage est terminé. J'aurais gagné si je vous ai distraits, mais j'aurais vraiment réussi mon pari si je vous ai donné envie de vivre ce que je vous aurais raconté.